Ce blog est celui de l'émission radiophonique Culture Prohibée. Produite et animée par les équipes des Films de la Gorgone et de Radio Graf'Hit, elle vous invite, chaque semaine, à découvrir divers aspects de la contre-culture à travers des émissions thématiques (le mouvement beatnik, le polar, la presse cinéma, le rock alternatif, le giallo, etc.) et des rencontres passion-nantes (interviews de Dario Argento, Bertrand Tavernier, Philippe Nahon, Costa-Gavras, etc.). Culture Prohibée est une émission hebdomadaire d'une heure diffusée le mardi à 17H sur les ondes de Radio Graf'Hit (rediffusions le samedi à 10H et le dimanche à 23H). L'émission est également diffusée sur d'autres antennes : Radio Active 100 FM à Toulon, Radio Ballade à Espéraza, Booster FM à Toulouse, C'rock Radio à Vienne, Radio Valois Multien à Crépy en Valois , Résonance à Bourges et Radio Panik à Bruxelles.
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mercredi 5 octobre 2011

Interview de Christophe Lemaire


Un peu frappadingue, l’ami Christophe a bossé dans quasiment tous les journaux consacrés au cinéma de genre (Starfix, Mad Movies, Le Cinéphage, Sexy Mag). Il a aussi fait des apparitions dans les films de ses potes (Irréversible de Gaspar Noé, Le convoyeur de Nicolas Boukhrief, Saint-Ange de Pascal Laugier). Il a présenté des films bis sur la chaîne Action, on l’a même vu sur TPS Star intervenir en tant que spécialiste des soucoupes volantes (l’ufologie étant une autre de ses passions). Il tenait dans le défunt Brazil2 « la rubrique du cinéphageuh », il donne aussi dans la presse musicale avec Crossroads et Rock & Folk. On l’a récemment aperçu dans Le Cercle (Canal + Cinéma). C’est en 1999 après un Etrange Festival bien arrosée que Johannes Roger et Jérôme Vincent l’ont fait avouer !!!



Quel est ton premier souvenir de spectateur ?
Oh, j'ai des souvenirs supers flous mais je crois que mon premier souvenir c'est Tintin Et Le Mystère De La Toison D'Or qui était projeté lors d'un goûter d'anniversaire chez ma concierge. J'habitais dans un immeuble à Bruxelles et je devais avoir trois ans, il y avait plein de mômes et c'était une projection en 9,5mms (le format de l'époque). Je crois bien que c'était ça mon tout premier souvenir de cinéma, ensuite ce fut le Cendrillon de Disney et un autre film dont longtemps le titre m'échappa. Il m'est revenu lorsque je suis retombé sur de la doc le concernant, c'était Les Trois Epées De Zorro, un film Bis italien des années 60. J'avais 5/6 ans quand je l'ai vu en salles sur Paris, c'était rigolo parce qu'il y avait trois Zorro : Le père, le fils du père et la fille de la soeur. Ce qui m'avait troublé à l'époque c'est le fait que lorsqu'un Zorro était arrêté les deux autres continuaient les méfaits, du coup le premier était relâché, c'est surtout ça qui m'avait marqué quand j'étais môme. Puis pendant vingt ans j'avais complètement oublié ce film et ça m'est revenu en mémoire lors d'une interview de Jodorowsky. Pour Santa Sangre il avait utilisé un acteur qui s'appelait Guy Stockwell, le frère de Dean Stockwell. Et la je vois cet acteur et j'me dis que je l'ai aimé dans un autre film vingt ans avant, puis ça me revient en retrouvant de la doc, c'était Les Trois Epées De Zorro, bon sang, c'est ça mon premier vrai souvenir de cinéma! Ensuite, il y a eu plein d'autres bonheurs.


Ton meilleur souvenir de cinéma...
Rencontres Du Troisième Type, à l'époque j'étais absolument fan, je suis passionné par les soucoupes volantes et tout le reste. J'ai pété un plomb quand j'ai vu le film de Spielberg, je voyais tout ce que j'avais fantasmé en lisant des documents et articles sur les ovnis. Tout était exact sur l'écran mais rendu de façon complètement féérique, j'avais 17/18 ans et ça m'a explosé. Ensuite j'ai eu plein de films préférés : Suspiria, Voyage Au Centre De La Terre ; celui là c'est vraiment l'un de mes meilleurs souvenirs, un de mes films cultes, un film d'enfance...


Antropophagous ?
Ben, bizarrement, celui-là, non, je l'ai vu quand c'est sorti avec mon pote François Cognard qui bossait avec moi pour Starfix. On s'est marrés mais ce n'est pas non plus un super souvenir. Les bons souvenirs viennent surtout de festivals, le Festival Du Rex, c'était absolument démentiel. C'était le foutoir, l'hystérie dans la salle, 3000 personnes qui hurlaient tous les soirs, c'était monstrueux! A la fin c'était Class 84, ils fouillaient les gens à l'entrée et sur le comptoir, à l'entrée du Rex, il y avait un paquet avec des matraques, des flingues, des canettes et des allumettes, c'était comme dans une BD, les mecs prenaient tout ce qui leur tombait sous la main, il y en avait qui emmenaient des boîtes de conserve : ils voulaient balancer des petits pois!!!
Il y avait de la baston ?
Il n'y a jamais vraiment eu de baston, il y a eu des vigiles qui ont vidé des agitateurs. Il faut savoir que Le Rex était scindé en trois, tous les agitateurs allaient au-dessus pour balancer leurs merdes. En dessous, au balcon, il y avait les invités, les journalistes et les VIP ; en bas c'était les abonnés, les vrais cinéphiles. C'était l'hystérie, la fête tous les soirs, quand tu voulais suivre le film c'était chiant mais quand le film était nul ça vannait de partout dans la salle, parfois il y avait mille personnes qui lisaient les sous-titres tout haut. Vers la fin du Rex, je bossais à Starfix et on voyait les films à Cannes avant qu'ils ne passent au Rex, du coup avec Boukhrief, Cognard et Gans on allait emmerder les mecs assis en haut. On leur racontait toutes les scènes deux minutes avant qu'elles n'aient lieues, alors ça dégénérait. Mais bon, mon festival préféré, c'était Cannes, c'était une orgie de films, surtout les premières années, on y voyait Razorback, Rambo II. De toute façon Le Marché Du Film, j'y allais même quand je n’étais pas journaliste. Dès 1982, j'achetais un badge du marché, ça valait 5OO francs, et je me coltinais 8 films à la journée, c'était la fin du Bis Italien, on en voyait donc plein.


Et le cinéma HK ?
A l'époque, on voyait surtout une série très fun qui s'appelait Mad Mission, chaque année on retrouvait notre Mad Mission nouveau. On se retrouvait dans un cinéma qui s'appelait Le
Français
, après le film il y avait une « champagne party » et tout Starfix allait voir les Mad Mission, on adorait ça! Le Festival De Sitges en Espagne est aussi un super souvenir, je l'ai fait pendant huit ans. La première année, c'était génial, j'y suis allé avec un pote qui faisait un fanzine appelé Zombie Zine, Pierre Pattin, et JPP de Mad Movies. C'était un tout petit festival à l'époque, on allait chercher nos accréditations chez le mec qui tenait le magasin de photo et de ciné de la ville : il vendait des appareils photos. On arrive là-bas et il y avait Sam Raimi et son producteur et copain Robert Tapert. Ils avaient les bobines d'Evil Dead sous le bras, et moi je voulais absolument voir le film vu l'accueil qu'il avait eu lors du Marché Du Film Cannois. Et donc, on le voit et on lui fait « Ohhh! C'est Sam Raimi!!! » et il nous répond « Mais c'est pas possible, comment vous me connaissez ? ». On a donc fini par passer la semaine avec Raimi et Tapert, toutes nos soirées, c'était extra. Une anecdote rigolote, je me rappelle que lors de la projection du The Thing de Carpenter, Sam a fait un malaise lors de la scène de la prise de sang, il n'a pas supporté. Il nous a dit que le gore, ça allait, mais pas la prise de sang (rires).
Pourquoi tu te passionnes plus pour le cinéma que pour toute autre forme d'art ?
Il y a certainement le fait que le cinéma procure une échappatoire à la vie, c'est une vie par procuration. Il y a aussi le fait que mes parents, quand j'étais môme, m'envoyait systématiquement coucher lors du début du film, j'étais gravement frustré! C'est peut-être du au fait que mon père, qui était acteur, jouait surtout au théâtre. J'ai donc établi une liste de ces films que je cochais une fois vu, enfin bref, n'importe quoi. Je pense aussi que dans le cinéma, il y a tout : la musique, la peinture; avec le cinéma t'as tout en un. Et puis bon tu me parles d'art mais j'y connais rien du tout, je suis allé dans les musées en me disant qu'il fallait mais bon... et tout à coup une voix me disait : qu'est-ce qui passe au Brady ? Et voilà...
Et la BD ?
Non, la BD, je n'aime pas du tout, quand j'étais môme, j'aimais un peu et j'achetais Tintin, Blake Et Mortimer, mais la BD d'aujourd'hui, non. A tel point que je n'aime pas non plus le cinéma d'animation, ça m'emmerde, je n'aime pas ça, ni Disney, ni les mangas : ça me fait chier. J'aime bien Les Simpson, South Park et Tex Avery mais l'animation en général, ça ne m'intéresse pas.
Quel est ta définition du cinéphile ?
En ce qui me concerne, je fais une différence entre cinéphile et cinéphage. La cinéphilie est constituée de gens qui choisissent leurs films. Moi, quand on me parle d'un cinéphile, j'ai une image plutôt Télérama du type qui dit, avec un accent snob, "je vais voir un Woody Allen et je suis cinéphile", très comme çaaaa tu vois. Alors que la cinéphagie, c'est bouffer des films et s'intéresser à un maximum de trucs, d'ailleurs j'ai participé à une revue dont Gilles Boulenger, fondateur de L'Etrange Festival, était le rédacteur en chef et qui s'appelait Le Cinéphage. Moi je suis donc plutôt cinéphage pour le plaisir de tout voir avec beaucoup de joie et du recul. Je n'ai jamais aimé la cinéphilie sérieuse, académique, avec des critiques à la Télérama, Cahiers Du Cinéma. Moi j'adore le cinéma Z, le Bis, alors quand je vois des gens qui regardent ça au premier degré en disant qu'il ne faut pas y toucher! Avec mon meilleur pote, Cognard, on adore voir des films Bis, on rigole, on les voit au premier comme au douzième degré : c'est comme ça que j'aime voir des films. J'aime bien défendre des films qui sont mauvais pour des raisons intellos, La Neuvième Porte de Polanski est un bon film Bis, un Jésus Franco avec des moyens.


Tu as des films cultes ?
Mon film préféré est Assaut de Carpenter, sinon il y a Suspiria, Voyage Au Centre De La Terre, La Maison Du Diable (qui est le plus grand film d'épouvante jamais réalisé), Zombie, Massacre A La Tronçonneuse. C'est une liste qui date mais comme tout amateur de cinoche je reste bloqué sur une période, comme Tavernier ou Brion qui sont attachés aux années 50, on reste accro à la cinéphilie avec laquelle on a grandi, moi c'est les années 70.
Tu allais dans les salles de quartier ?
J'ai fait ma cinéphilie en salles, pour vous je pense que c'est la vidéo, pour nous c'était la salle de cinéma. J'ai donc connu la fin des salles de quartier, j'allais au Hollywood Boulevard, Gaieté Rochechouart, Brady, Colorado, Styx, Midi-Minuit... il y avait aussi L'Ornano, le Bellevue, le Pathé Journal, il y en avait des tonnes quoi! J'y allais avec mon pote Pattin, aujourd'hui décédé, et avec Christophe Gans. On allait à un cinéma qui s'appelait L'Orient Ciné, dans le treizième, qui projetait tous les films de Hong-Kong alors que rien n'était marqué dans Le Pariscope. C'est là qu'on a découvert Histoires De Fantômes Chinois, deux ans avant sa sortie, on a aussi découvert des films de la Shaw Brother, des trucs de fous quoi! Et on y a vu beaucoup de merdes aussi, c'est ça la cinéphilie, et oui, je l'ai faite en salles. Avec Pattin, on faisait des journées qui commençaient au réveil à 10H à Strasbourg Saint-Denis et finissaient à 2H du mat' dans le nord de Paris. On commençait par Le Cinex en début du Boulevard de Strasbourg (aujourd'hui remplacé par une banque) puis L'El Dorado (qui fut un cinéma), Le Brady, puis on allait dans le 18ième mater des kung-fu, on allait à La Cigale, qui passaient des doubles programmes, enfin bref, on enchaînait : des péplums, des westerns italiens, des pornos...
Vous deviez ingurgiter des tonnes de films ?
Ah ça, on en bouffait, c'est différent de la vidéo qui te contraint à rester chez toi, là on bouffait des merguez, on se baladait, on allait prendre des bières dans ces quartiers qui étaient très exotiques. A l'époque Belleville, qui est aujourd'hui plutôt un quartier chinois, était un quartier oriental, à dominante tunisienne : il y avait de l'ambiance dans les salles. J'ai un milliard d'anecdotes, j'ai vu, par exemple, L'Horrible Invasion lors de sa sortie dans les années 70 avec un mec qui se masturbait à chaque fois qu'une araignée passait à l'écran. Le mercredi après-midi, au Bellevue, il y avait des films de kung-fu, des classes d'école venaient et insultaient l'écran, hurlaient, se battaient, courraient dans les travées, c'était folklo, c'était bien! Aujourd'hui il ne reste plus que Le Brady.

Quelle différence fais-tu entre les cinéphiles formés par la vidéo et ceux des générations précédentes ?
C'est tout le fétichisme lié à la salle, par exemple faire la queue c'est extra, il y a du monde, de l'ambiance, la tension qui monte, avec la vidéo c'est différent. Tu mets le lecteur en route, et c'est tout, en plus, tu as le câble, le satellite, donc tu as trop de choix et tu es noyé dans la masse. Quand je rentre chez moi, j'ai trop de films à voir, avant tu avais trois chaînes de télé et les doubles programmes. Avant lorsqu'un film passait tu ne savais pas si tu le reverrais un jour, alors tu allais à en salle. Quand Le Festival Du Rex s'est planté ça correspondait avec l'explosion de la vidéo et l'arrivée du câble, aujourd’hui on a le choix entre regarder à la maison ou sortir, à l'époque, on n’avait pas le choix donc le moindre truc qu'on voyait devenait incroyable.
Vas-tu souvent au cinéma ?
Je vais en salle mais surtout en projection de presse et festivals, mais je continue à aller au cinéma en tant que spectateur. J'ai la carte verte, donc je ne paye pas et j'y vais régulièrement. Je connais plein d'autres journalistes cinés qui, malgré la carte verte, n'y vont qu'une à deux fois par mois, moi c'est minimum cinq à six fois en plus des projos et festivals. Hier soir en salle, j'ai vu Bullet Ballet de Shinya Tsukamoto, et en vidéo, j'me suis tapé un Bis italien avec Franco Nero, La Proie De L'Auto-Stop de Pascuale Festa Campanile. Un bon film, avec la musique de Morricone, un film représentatif d'une époque, si ça sortait en salle aujourd'hui les gens prendraient ça pour de la merde, mais c'est un film typique des années 70 avec tout un fétichisme derrière.


Quel est le film récent qui t'a marqué ?
Le Projet Blair Witch, qui m'a empêché de dormir pendant une semaine, c'est un des plus grands films d'épouvante que j'ai vu avec La Maison Du Diable, Les Innocents, Le Locataire et L'Exorciste III. C'est tout con mais ça m'a atomisé, je comprends qu'il y en ait qui n'aiment pas mais moi je marche à fond. Rien n'est montré, tout est suggéré et il ne se passe rien pendant la première heure, tu es dans l'attente... je ne suis pas capable de dire si c'est un bon ou un mauvais film mais ça m'a traumatisé. J'ai aussi adoré Seul Contre Tous de Gaspar Noé et Payback avec Mel Gibson. Beaucoup trouvent ce film mauvais, moi je le trouve très bien. J'ai vu il y a trois jours un film des années 50 sur le câble, Le Fauve Est Lâché avec Lino Ventura. Je pensais que c'était une daube mais non, c'est très bien dialogué et réalisé, c'est de la série B française comme on en fait plus aujourd'hui.
Quel est le film récent que tu as détesté ?
Star Wars Episode I, il n'y a pas d'histoire, c'est grave! C'est l'enfer, au bout de dix minutes j'avais les poumons qui se compressaient d'angoisse!!! Je n'étais déjà pas un grand fan de la première trilogie, je l'ai vu trop vieux, alors que c'est plutôt pour les mômes. Le tout premier était sympa, le deuxième j'adore mais Le Retour Du Jedi c'est vraiment nul, c'est une synthèse de tout ce qu'Hollywood peut avoir de plus exécrable. Le nouveau là, c'est même pas pour les enfants, c'est pour les foetus, le fameux personnage de Jar-Jar c'est hallucinant, tu te dis « mais il est vraiment mongolien George Lucas ? ». C'est chiant, c'est même pas réalisé, il n'y a pas un travelling dans le film, je me suis endormi. Il plante sa caméra, il y a des légers panoramiques mais tout a été vu dans les autres Star Wars, dans d'autres films de SF, tout paraît vieux. Je trouve ça visuellement très laid, les effets spéciaux ne sont pas du tout novateurs, c'est par exemple nettement moins impressionnant que Jurassick Park, alors que c'est Star Wars quand même, une franchise basée sur la qualité des effets spéciaux. Et surtout, c'est ultra-chiant, les acteurs sont monolithiques, ils débitent leur texte, il ne se passe rien, c'est dénué d'émotion. Bien sûr, certains fans qui ont tout suivi vont s'y retrouver mais moi je trouve ça nul. Les fans présents avec moi lors de la projection sont sortis tétanisés; enfin bref c'est le dernier film nul que j'ai vu.
Johannes Roger & Jérôme Vincent

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