Ce blog est celui de l'émission radiophonique Culture Prohibée. Produite et animée par les équipes des Films de la Gorgone et de Radio Graf'Hit, elle vous invite, chaque semaine, à découvrir divers aspects de la contre-culture à travers des émissions thématiques (le mouvement beatnik, le polar, la presse cinéma, le rock alternatif, le giallo, etc.) et des rencontres passion-nantes (interviews de Dario Argento, Bertrand Tavernier, Philippe Nahon, Costa-Gavras, etc.). Culture Prohibée est une émission hebdomadaire d'une heure diffusée le mardi à 17H sur les ondes de Radio Graf'Hit (rediffusions le samedi à 10H et le dimanche à 23H). L'émission est également diffusée sur d'autres antennes : Radio Active 100 FM à Toulon, Radio Ballade à Espéraza, Booster FM à Toulouse, C'rock Radio à Vienne, Radio Valois Multien à Crépy en Valois , Résonance à Bourges et Radio Panik à Bruxelles.
Ce blog constitue un complément à l'émission en vous proposant des interviews inédites, des prolongements aux sujets traités à l'antenne ainsi qu'un retour détaillé sur les sorties DVD et bouquins que nous abordons "radiophoniquement". Autre particularités du blog, vous fournir le sommaire détaillée ainsi que la playlist de chaque émission. Pour plus d'infos, vous pouvez vous connecter sur le FB de l'émission en cliquant ici.
Vous pouvez écouter et télécharger l'émission sur le site des Films De La Gorgone.

jeudi 29 septembre 2011

Hantik Films parie sur l'as de pique


Depuis le début de cette année 2011 sévit un nouvel éditeur de DVD nommé Hantik Films, il met à la disposition des cinéphiles un catalogue de pépites sur pellicules pour la plupart inédites (y compris en VHS). Ces long-métrages policiers s'inscrivent dans une tradition de cinéma populaire propre aux productions US de l'entre-deux guerres, carrées, drôles et très rythmées, en un mot : efficaces.


La collection "The Scare-Ific" débute avec Black Dragons (1942), un film de William Nigh (qui venait de diriger plusieurs films de la série des M. Wong avec Boris Karloff dans le rôle-titre) qui est le seul film d'espionnage auquel a participé Bela Lugosi. M. Colomb s'avère également être l'un des rares personnages positifs qu'il interpréta puisqu'il s'attaque à des espions japonais et n'est pas loin de ravir le cœur de la belle Joan Barclay sous le nez du héros, Clayton Moore, futur interprète du Lone Ranger dans la série télévisée éponyme.


Véritable découverte, cette petite perle bien Bis peut s'ennorgueillir d'offrir aux spectateurs quelques scènes parmi les plus délirantes de l'époque. Telle celle qui voit un Bela Lugosi barbu tchatcher en anglais (le tout agrémenté de son légendaire accent roumain) avec des japonais qui font le salut nazi, il ne manque à cette bobine qu'un golem communiste pour que tous les ennemis du "monde libre" y soient présents. Le scénar' retors offre un dernier quart d'heure d'anthologie aux cinéphiles déviants, Black Dragons s'impose définitivement comme une très bonne surprise.


The Death Kiss (1932), seconde livraison d'Hantik Films, recrée l'atmosphère d'un studio de cinéma des années 30 dans lequel se déroule une série de meurtres mystérieux. Pour sa première œuvre, le réalisateur Edwin L. Marin a disposé des trois acteurs principaux du Dracula que Tod Browning réalisait l'année précédente. David Manners, soupirant de Marcia Lane et enquêteur amateur jouait Jonathan Harker. Edward Van Sloan, réalisateur peu aimable de The Death Kiss interprétait Van Helsing et Bela Lugosi, ici dans un second rôle, incarnait l'inoubliable Dracula.


En dehors de quelques plans ingénieux (tel celui qui voit la caméra fixée à l'intérieur d'un projecteur), The Death Kiss s'avère être un whodunit classique. L'intérêt de cette pelloche se situe plutôt dans son traitement très humoristique. A l'image de cette scène d'introduction qui voit un réalisateur reprocher à son acteur de mal faire le mort lors d'une scène de crime, sauf que... le protagoniste est vraiment mort! Tout le film est constitué de chausses-trappes jusqu'à un ultime quiproquo qui voit le héros enlacer la belle Adrienne Ames, le veinard.


Troisième DVD édité par Hantik Films, Tomorrow At Seven (1933) s'avère être une très bonne série B. Ce film de Ray Enright se déroule dans un vieux et sombre manoir qui voit ses occupants menacés par un mystérieux assassin. Ce dernier remet subrepticement à ses futures victimes une carte à jouer annonçant l'heure exacte de leur mort. Mais L'as de pique sera démasqué par le beau et ténébreux Chester Morris, spécialiste des rôles virils et romantiques. Le personnage de L'as de Pique aurait inspiré à Bob Kane celui du Joker, l'un des adversaires les plus célèbres de Batman.


Tomorrow At Seven s'avère surtout extrêmement bien réalisé (il suffit de voir le prologue durant lequel le couple de héros se rencontre dans un train pour saisir le talent du metteur en scène) et dialogué. Le script signé Ralph Spence aligne les morceaux de bravoure, les rebondissements innatendus et un humour dévastateur. Le duo comique formé par Frank McHugh et Allen Jenkins est très efficace (mention spéciale aux traducteurs qui ont effectué les sous-titres), ces deux policiers semblent être les cousins germains des fameux Dupond/Dupont. En bref, un petit moment de bonheur qui ravira tous les amateurs de cinéma populaire.


Il est également important de signaler que les amis d'Hantik Films garnissent leurs DVD de bonus. A savoir un livret signé de l'illustre Jean-Pierre Putters et deux épisodes d'Undersea Kingdom (1936) par titre, un serial Republic Pictures trépidant avec l'inénarrable Ray "Crash" Corrigan (pourquoi "Crash" ?Car cette série est une réponse au Flash Gordon de la Universal avec Buster Crabbe). Tous ces DVD sont disponibles à la vente sur le site des Films de la Gorgone.
Hanzo

dimanche 25 septembre 2011

Mardi 27 septembre dans Culture Prohibée : L'Etrange Festival 2011 !!!


Retrouvez ce mardi 27 septembre à 17h00 (rediffusions le samedi à 10H et le dimanche à 23H), Culture Prohibée sur l'antenne de Graf’Hit (l'émission est également diffusée sur d'autres radios de la bande FM dans divers départements de France, tous les détails sont sur ce blog).
Au programme de votre émission préférée consacrée à l'actualité de la contre-culture, une spéciale Etrange Festival 2011 :
-Un retour sur les films présentés,
-Des propos tenus par les invités du festival et captés par l’équipe d’Oh My Gore avec, pêle-mêle, Jean-Pierre Mocky, Xavier Gens (Divide), Rutger Hauer, Ben Wheatley (Kill List), Maarte Seyferth & Victor Nieuwenhuijs (Meat), Michael R. Roskam (Bullhead).
Après L'Etrange Festival, couvert avec le renfort d’Oh My Gore, notre équipe, dans le cadre d’un partenariat avec Sueurs Froides, vient de boucler une série d’émissions sur la quatrième édition du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg à écouter d’ici deux semaines !

Playlist de l'émission :
-Générique d'après DJ No Breakfast remixé par Léo Magnien (notre flamboyant ingénieur du son);
-Divers extraits de bandes originales issues de films projetés lors de L'Etrange Festival, à savoir, Hobo with a shotgun (par The Obsidian Orchestra), Super (Calling all destroyers par Tsars), Tucker & Dale fightent le mal (I dug my grave and walked away par Mass Undergoe).

samedi 17 septembre 2011

Mardi 20 septembre dans Culture Prohibée : Michael Caine is back !!!


Retrouvez ce mardi 20 septembre à 17h00 (rediffusions le samedi à 10H et le dimanche à 23H), Culture Prohibée sur l'antenne de Graf’Hit (l'émission est également diffusée sur d'autres radios de la bande FM dans divers départements de France, tous les détails sont sur ce blog).
Au programme de votre émission préférée consacrée à l'actualité de la contre-culture, la fin de la rencontre avec Michael Caine durant laquelle il revient aussi bien sur Harry Brown que sur le reste de sa riche filmographie.
Alors que nous sommes en plein montage des émissions sur L’Etrange Festival, couvert avec le renfort d'Oh My Gore, notre équipe, dans le cadre d’un partenariat avec Sueurs Froides, termine une série d'entretiens dantesque au Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg !

Playlist de l'émission :
-Générique d'après DJ No Breakfast remixé par Léo Magnien (notre flamboyant ingénieur du son);
-Michael Caine par Madness;
-Old gangsters never die (texte d'Alan Moore) par Silver Ducks.

Les lectures de Boris : Escale chez les vivants


Ecrit par Richard Bessière
Publié en 1980 dans la collection Lendemains retrouvés
Super Luxe
Fleuve Noir
ISBN 2-265-01251-3

Impressionnant. Je ne connaissais pas du tout cet auteur, j'ai trouvé le livre dont le titre m'a amusé lors d'une brocante ... et bien il m'a calmé le bougre ! Schématiquement, l'histoire commence en 1960, revient en arrière, repart en 1960, va très loin dans le futur puis y reste. Sauf que, dans le futur, on sait voyager dans le temps. On ne va pas dans le passé car les modifications sont incontrôlables, mais on peut aller dans le futur afin de corriger le présent. Et c'est toujours pratique quand on est en guerre contre d'infâmes extra-terrestres voulant anéantir l'espèce humaine.


Les premières pages m'ont séduit par le style vieillot employé. Un style qui vieillit encore plus au premier saut dans le passé, qui se modernise ensuite dans le futur : D'où un 18/20 pour la forme et les efforts consentis.
Continuons avec l'intelligence déployée par l'auteur dans la description de ces voyages dans le temps : J'ai déjà croisé toutes sortes de réflexions sur la temporalité dans les fictions, souvent débiles, parfois intéressantes, rarement documentées, mais c'est bien la première fois que je croise un cas de voyage "bridé" ! Richard Bessière s'est simplement débarrassé des écueils du voyage dans le passé avec l'argument très simple de l'hyper-complexité des conséquences. Donc, "paf !", on va dans le futur. On peut voyager dans le temps, soit, mais ce n'est pas un prétexte pour faire n'importe quoi.
Quant au reste de l'histoire sachez que ça se lit très bien, c'est plutôt drôle, bien mené, bien monté, bien enlevé. Bref, mon chouchou actuellement.


A côté de ça je suis un peu minable tout de même, en 2007 Richard-Bessiere en était à 285 publications !!!! … Et moi à UNE lecture... Bon d'accord, il n'a pas écrit que de la SF, mais ça en impose tout de même. Sur son blog il parle de ses démêlés avec Fleuve Noir, ou plutôt avec l'un de ses directeurs littéraires, Mr Richard, qui s'est approprié une partie de sa production ! Bon, ça ne va pas changer grand chose, mais les "salauds" c'est chiant.
J'ai aussi lu L'ère des Fornicatrices de Janet E. Morris. Celui-là je ne vous en parlerai pas...
Boris

jeudi 15 septembre 2011

Prochainement sur cet écran...


Prochainement sur cet écran : les débuts d'une nouvelle rubrique, Les lectures de Boris, ça va saigner...


Prochainement sur cet écran : un retour sur le catalogue de l'éditeur DVD Hantik Films...


Prochainement sur cet écran : l'interview d'un cinéphage fou, Christophe Lemaire, membre de la rédaction du mythique Starfix...


Prochainement sur cet écran : War Land, un film de guerre atypique...
Enfin bref, que du bon, et c'est rien que pour vous !!!

dimanche 11 septembre 2011

Mardi 13 septembre dans Culture Prohibée : Michael Caine himself !!!


Retrouvez ce mardi 13 septembre à 17h00 (rediffusions le samedi à 10H et le dimanche à 23H), Culture Prohibée sur l'antenne de Graf’Hit (l'émission est également diffusée sur d'autres radios de la bande FM dans divers départements de France, tous les détails sont sur ce blog).
Au programme de votre émission préférée consacrée à l'actualité de la contre-culture, une spéciale Michael Caine pour fêter la sortie d’Harry Brown en DVD (Studio Canal) :
-Un comparatif entre Get Carter et Harry Brown, et si Harry Brown était la suite officieuse de Get Carter ?
-Une rencontre avec Michael Caine durant laquelle il revient aussi bien sur Harry Brown que sur le reste de sa riche filmographie.
Après L’Etrange Festival, couvert avec le renfort d'Oh My Gore, notre équipe, dans le cadre d’un partenariat avec Sueurs Froides, vient de rejoindre la quatrième édition du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg pour vous concocter une série d’entretiens qui s’annonce passionnante !

Playlist de l'émission :
-Générique d'après DJ No Breakfast remixé par Léo Magnien (notre flamboyant ingénieur du son);
-Différents extraits de la bande originale de Get Carter par Roy Budd (Intro/Main Theme/The Girl in a car);
-Gangsters par The Specials;
-King of the gangsters par Klezmer Mongrels.

Zombies Of Mass Destruction A.K.A. ZMD

Origine : USA
Année : 2009
Un film réalisé par Kevin Hamedani
Avec Janette Armand, Doug Fahl, Cooper Hopkins, Russell Hodgkinson…
Edité en DVD Zone 2 dans notre bel hexagone par Opening (2011)


En ce jour de 11 septembre 2011, triste date anniversaire du coup d'état organisé par les USA pour renverser le Gouvernement Allende en 1973 au Chili et installer Pinochet au pouvoir, l'Amérique commémore le 11 septembre 2001. Autre date dramatique puisque c'est là que la première puissance mondiale a pris conscience de sa vulnérabilité : jouer les gendarmes du monde peut conduire au pire ! Mais qu'en est-il, aujourd'hui, de l'état du peuple étasunien, a-t-il réussi à panser ses blessures ? Et bien non, semble nous dire ZMD : l'élection d'Obama ne serait qu'un leurre ?
Prenant appui sur un comics homonyme de Kevin Grevioux, Kevin Hamedani, scénariste et réalisateur du film, choisit délibérément d'en modifier l'histoire. En lieu et place de "super-zombies" créés par l'US army pour combattre en milieu nocturne, le metteur en scène préfère une intrigue axée autour d'un panel représentatif du prolétariat américain. ZMD se déroule dans une paisible bourgade, Port Gamble, dans laquelle une jeune (et jolie) fille d'origine iranienne, Frida, ainsi qu'un couple de gays vont devoir lutter contre une invasion de zombies (enfin... plutôt d'infectés). Mais ce n'est pas tout, Frida doit aussi affronter un père musulman traditionnaliste et un voisin réac', pendant que le couple d'homosexuels est confronté à la rude épreuve du "coming-out".


Mais le pire, pour ces trois olibrius, n'est pas la lutte contre les morts-vivants, mais celles contre les préjugés.
En effet, ils leur faut affronter :
-ceux qui pensent que c'est une attaque islamiste;
-les catholiques qui croient à une punition divine due à la présence des deux homosexuels dans la ville;
-les Républicains qui veulent récupérer la catastrophe;
-les Démocrates qui soupçonnent un complot des Républicains.
Kevin Hamedani égratigne donc sévèrement un mythe auquel plus personne ne croit : le rêve américain. Les USA sont donc loin d'avoir refermé cette plaie béante que constituent les attentats du 11 septembre 2001. Hamedani préfère le dire avec humour en s'appuyant sur les récents succès de Shaun of the dead (Edgard Wright-2004) et Bienvenue à Zombieland (Ruben Fleischer-2009). Ne pouvant jouer sur d'extraordinaires effets spéciaux, la faute à un budget minuscule, le réalisateur choisit la satire avec plus ou moins de bonheur.


La principale réussite de ce long-métrage restant la description du parcours du couple de gays, dont les rapports sont finements décrits. Quelques scènes sont même hilarantes, que ce soit celle du "coming-out" ou celle du châtiment divin. Par contre la liaison hétérosexuelle entre Frida et son gratteux de petit copain occasione un catalogue de clichés assez consternant. Seule la description de la relation qu'elle entretient avec son père retient l'attention, avec là aussi une scène mémorable qui voit ce dernier revenir la secourir.
ZMD constitue, au final, une bien bonne surprise qui mise avant tout sur un scénario assez souvent finaud (malgré quelques gros sabots). A noter également le révélation de deux acteurs au talent comique indéniable, Doug Fahl et Cooper Hopkins dont l'abattage fait mouche à chaque fois. Un film à voir en triple programme avec Tucker & Dale fightent le mal (Eli Craig-2010) et Super (James Gunn-2010), autres variations horrifico-comiques qui donnent une image assez tétanisante de l'Amérique post 11 septembre.
Hanzo

mercredi 7 septembre 2011

Interview de Dominique Manotti

Dans ses romans noirs, Dominique Manotti passe au crible nos institutions. En 2010, elle sort en Série noire Bien connu des services de police. Magouilles, violences, lâcheté ordinaire : elle y dépeint le commissariat d'une ville de banlieue parisienne, dirigée par la commissaire Le Muir. Proche du ministère de l'Intérieur, ambitieuse, manipulatrice, elle ne s'embarasse d'aucun scrupule pour faire le ménage dans son secteur. Un livre implacable. L'écriture âpre de Dominique Manotti va droit à l'os sur un scénario tenu et sans effet de manche et campe bien les personnages. Cette année, cette auteur venue sur le tard signe avec DOA, L'honorable société, un polar qui joue sur une intrigue politique, au moment de l'élection présidentielle. Nous l'avions rencontrée lors de la sortie de Bien connu des services de police.



Un policier proxénète, une commissaire sans scrupules, un policier rongé par son faux-témoignage... Vous dressez un tableau très sombre de la police dans votre livre...
C'est extrêmement réaliste. J'ai eu le souci constant de ne pas forcer le trait. Le mensonge est une donnée de base du fonctionnement policier. A un moment je voulais appeler ce roman La culture du mensonge. A partir du moment où la parole d'un policier a plus de poids, on pourrait s'attendre à ce que le faux-témoignage soit sanctionné. Il n'en est rien. Le problème est là : cet extraordinaire esprit de corps.

Votre livre semble très documenté. Quelles sont vos sources ? Les journaux ?
J'ai beaucoup été au tribunal. J'ai enseigné 27 ans en Seine-Sant-Denis, à la fac, comme prof d'histoire. Pendant ces années-là, j'ai participé à des comités de soutien suite à des bavures. On travaillait beaucoup avec les avocats. J'allais systématiquement dans les tribunaux quand il y avait des policiers qui se portaient partie civile ou étaient mis en cause. La plupart du temps, l'issue est courue : le faux-témoignage n'est pas sanctionné. Les tribunaux sont une source vraiment formidable. J'ai d'autres sources : les journaux et un certain nombre d'interviews avec des policiers démissionnaires ou à la retraite. Je suis parti de l'idée qu'un policier en exercice ne dira pas grand chose.

Avez-vous eu des réactions de policiers ?
De policiers pas du tout. Des gens avec qui j'ai travaillé, oui : dans l'ensemble, ils ne se sont pas touvés trahis. Je n'ai eu aucune réaction officielle. J'aimerais bien en avoir...

Le personnage d'Ivan, rongé par son faux-témoignage, cherche si ce n'est la rédemption, à tourner la page et à entamer une nouvelle vie, il connaît une fin tragique. Vous n'avez pas hésité un seul instant sur la fin à lui réserver ?
Non, il est foutu. Dans ce système, quand il fonctionne comme ça, il n'y a pas de rédemption individuelle. Je suis contente que vous me parliez d'Ivan. Les gens ne m'en parlent pas d'habitude. Pour moi, c'est le personnage-clé. Il vient de ma rencontre avec un policier qui lui ressemblait dans un procès, où il était partie civile. Tout le monde savait que le prévenu n'avait pas fait ce dont on l'accusait : tabasser une policière. Mais il a été condamné à de la prison ferme, sur la base des parties civiles. Dont ce policier complètement mutique. Je le regardais et je me disais : c'est fou les ravages que ça doit faire quand son milieu pèse de tout son poids pour un faux témoignage. Comment peut-il s'en tirer ? J'ai eu envie d'écrire le roman à partir de là. Pour moi, le personnage d'Ivan est extrêmement important, mais peu de gens s'intéressent à lui.

Un autre agent, Sébastien Doche, est de bonne volonté, mais finit par démissionner. Les individus n'ont d'autre choix que d'accepter le système ou de jeter l'éponge ?
C'est ce que je pense fondamentalement. Le problème, c'est l'institution, pas la nature humaine. En ce sens, c'est un livre optimiste : on peut faire bouger, changer les institutions. Les flics ne sont pas plus mauvais que les autres, ils sont bousillés par le fonctionnement de l'institution. C'est dans la police que le taux de suicide est le plus élevé.


Trop de pressions ? Certains policiers dénoncent la culture du chiffre pour jauger des résultats...
Elle a aggravé considérablement les choses, mais le malaise est antérieur. Le seul ministre qui s'est battu, c'est Joxe avec son code de déontologie. Il y a toute une série de choses à repenser dans la fonction publique, très corporatiste et autorégulée. Le contrôle de la police est entre les mains des policiers.

Dans Bien connu des services de police, je m'attendais une confrontation entre la commissaire Le Muir et Noria, aux renseignements généraux. Pourquoi ne partagent-elles aucune scène ?
Je ne le sentais pas.

Une suite est-elle envisageable ?
Noria apparaît pour la deuxième fois. Elle était déjà là dans Nos fantastiques années fric. Mais je ne suis pas un écrivain de personnages récurrents. J'essaie d'avoir des personnages adaptés à un moment précis, à une situation précise. Le personnage, c'est la quintessence de l'histoire.Le lecteur suit l'histoire à travers le personnage que je construis avec un lieu, une date. Dans Nos fantastiques années fric, Noria est très jeune. Elle a 20 ans, elle entre dans la police. Le livre a été adapté au cinéma, sous le titre Une affaire d'Etat. En voyant le film, j'ai eu envie de la reprendre 20 ans après. Suivant comment évolue l'institution policière, je la reprendrai ou pas.

Votre livre se prêterait à une adaptation en série à la télévision : le scénario est solide avec des intrigues qui se recoupent, les personnages sont multiples et bien campés, il y a une unité de lieu. Cela vous plairait ?
Enormément. Mais les Français ne font pas de série de ce genre.

Votre approche du roman me fait penser à une série américaine : The Wire. Vous connaissez ?
C'est une série éblouissante. Les Français sont à cent lieues de ça.

Travaillez- vous beaucoup le style ?
Oui. Je corrige énormément.

Dans le sens de la soustraction, non ?
Oui. Chaque scène contribue à l'avancée. Je ne veux aucune disgression. Je travaille beaucoup le racourcissement et la recherche du mot juste. Simenon disait "J'utilise des mots matière". On sent ce qu'il veut dire. Des mots qui pèsent. Toute une série de procédés comme les comparaisons tombent.

Vous mélangez le "je" et le "il".
Par rapport au behaviorisme intégral d'Hammet, Ellroy a apporté beaucoup.Il a fait évoluer le style. On comprend les gens à travers ce qu'ils font. Je ne fais pas d'analyse psychologique développée. C'est totalement bidon.J'essaie de saisir au moment de l'action les impressions, les sensations, ce moment où se forme la décision.


Je trouve que vous êtes une auteur singulière dans le paysage actuel du polar français. Vous tracez votre voie entre les auteurs qui mettent de gros sabots pour s'attaquer à des questions de société et ceux qui sont complètement déconnectés du social et de la politique.
Je suis relativement singulière. Je fais ce que j'ai envie de faire. J'essaie de rendre compte de la façon dont je vois le monde. Mais j'essaie de faire de la littérature. C'est dur, long et solitaire. Je mets deux ans à faire un roman. Le plus insidieux, c'est le scénario que sacrifie pas mal d'écrivains de polars. Cela représente un an d'écriture et ça paye.

Vous reconnaissez-vous quand même des liens avec certains auteurs ?
Je viens de faire un roman à quatre mains avec DOA. Une entreprise rigolote, ça s'est très bien passé. Je suis un peu isolé : j'ai l'âge de Daeninckx, Jonquet et des autres, j'ai leur histoire politique en partie, mais je suis venu au polar beaucoup plus tard, en 1995. C'est pour cela que je suis aussi isolé : je suis une nouvelle auteur, très âgée.

De quel milieu social venez-vous ?
Je suis née en 1942. Je viens d'un milieu extrêmement bourgeois et parisien. J'ai été élevée dans le culte de la grande nation française, dans une famille plutôt jacobine. Mon père était manager, ma mère femme au foyer. La guerre d'Algérie a changé les choses. Je découvre la torture. Tout le monde savait : il suffisait d'ouvrir les yeux. Je deviens militante à la fin de la guerre d'Algérie. Les années 60 sont des années de grands combats politiques. A partir de 1968, j'ai fait du syndicalisme ouvrier, à la CFDT. C'est dix ans de luttes ouvrières vraiment quotidiennes.

Vous n'aviez pas envie d'écrire alors ?
Ni l'envie ni le temps. Je me bagarrais pour changer la société. J'étais enseignante, sans heures syndicales. Je n'ai jamais fait de syndicalisme enseignant, mais interprofessionnel et ouvrier.

Qu'est-ce qui a changé par la suite ?
Mitterrand président. Je me méfiais déjà beaucoup de Mitterrand. On n'oublie pas un ministre de la justice pendant la guerre d'Algérie. J'ai vite compris que c'était la fin des changements que je pouvais espérer dans la société. On en prenait pour trente ans. J'ai quitté le syndicalisme en 1984. J'ai redécouvert la littérature avec Ellroy. Un jour; j'ai pris LA Confidential dans ma bibliothèque et ça a été le choc. Si a littérature pouvait être aussi forte, ça valait le coup d'essayer.
Propos recueillis par Youenn
Clichés réalisés par Youenn


Bibliographie :
Sombre Sentier, Seuil, 1995.
À nos chevaux, Rivages, 1997.
KOP, Rivages, 1998.
Nos fantastiques années fric, Rivages, 2001. Rééd. 2009
Le corps noir, Seuil, 2004.
Lorraine connection, Rivages, 2006.
Bien connu des services de police, Gallimard, « Série noire », 2010.
L’Honorable Société, co-écrit avec DOA, Gallimard, « Série noire », 2011

dimanche 4 septembre 2011

Culture Prohibée, début de la saison 3 : they back !


Dès le 06 septembre retrouvez, chaque mardi à 17h00 (rediffusions le samedi à 10H et le dimanche à 23H), Culture Prohibée sur l'antenne de Graf’Hit (l'émission est également diffusée sur d'autres radios de la bande FM dans divers départements de France, tous les détails dans ce blog).
C’est le retour de votre émission préférée consacrée à l'actualité de la contre-culture avec une spéciale "Preview/Review", au sommaire :
-Retour sur les films de l'été (Captain America, Conan, La piel que habito) ;
-Preview de la saison 3 ;
-Interview de David Didelot concernant la sortie du dernier numéro de Vidéotopsie.
L’équipe était hier à L’Etrange Festival pour vous concocter une série d’interviews dont vont bientôt se délecter vos esgourdes !

Playlist de l'émission :
-Générique d'après DJ No Breakfast remixé par Léo Magnien (notre flamboyant ingénieur du son);
-Captain America par Marsland Brotherhood;
-Captain America par The Hollywood Indians;
-Wolfman Boogie par Jack Wolfman & the wolf pack;
-Arriesgare la piel par Inti Illimani;
-Sumo versus Piranha par Villa Diamante;
-Pets par Planet of the apes.